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Carrington 2.0 : Survivre au chaos ionosphérique. HF, VHF, DX en conditions extrêmes ?

À la surface de notre Soleil, un complexe de tache baptisé AR 4294-4296 – ici, une simple illustration © Claudio Caridi, Adobe Stock

Lorsque la CME de 1859 percuta la magnétosphère de notre bonne vielle planète, l’intensité de la tempête géomagnétique dépassa tout ce que nous connaissons aujourd’hui. Les reconstructions modernes estiment un indice Dst compris entre –850 et –1 760 nT, ce qui correspond à un véritable effondrement du champ magnétique terrestre. Les aurores furent observées jusque dans les régions tropicales : Caraïbes, Polynésie, Amérique centrale, sud de l’Europe et même jusqu’aux latitudes équatoriales. La luminosité était telle que certains journaux rapportèrent que l’on pouvait lire un texte en pleine nuit, éclairé par les draperies aurorales. Les courants géo-induits (GIC) atteignirent des valeurs colossales, saturant les longues lignes télégraphiques de l’époque. Les opérateurs furent témoins de phénomènes étonnants.

Extraits de témoignages : « Les opérateurs rapportent des étincelles jaillissant des clés Morse, des échauffements inhabituels des câbles et des connecteurs, la combustion de papiers, fonctionnement spontané des lignes télégraphiques sans alimentation, même en débranchant les batteries, les messages continuent à passer. »

(probablement alimentés uniquement par les courants telluriques induits par la tempête.)

Impact d’un événement de type Carrington sur les bandes radioamateurs

Un événement solaire majeur comparable à celui de 1859, connu sous le nom d’événement de Carrington, provoquerait des perturbations profondes de l’ionosphère et modifierait radicalement la propagation radio à toutes les fréquences. Vous trouverez ci‑dessous une synthèse structurée et directement exploitable, centrée sur les effets observables sur les bandes radioamateurs au fil des différentes phases du phénomène.

Avant la CME : le choc immédiat du « flare »

Dans les minutes suivant une éruption solaire intense, le flux X et UV accroît brutalement l’ionisation de la D‑layer, entraînant un SID (Sudden Ionospheric Disturbance). Ce phénomène perturbe immédiatement les communications HF sur la face éclairée et peut temporairement rendre certaines bandes totalement muettes, y compris le 20 m.

Conséquences directes :

  • Absorption massive des signaux HF sur l’hémisphère diurne.
  • Effondrement des bandes basses (3–10 MHz).
  • Montée sensible du bruit de fond et brouillages large bande.

Entre l’éruption et l’arrivée de la CME

Si l’éruption s’accompagne d’un flux dense de protons énergétiques (SEP), une Polar Cap Absorption (PCA) peut se produire. Les communications traversant les régions polaires deviennent alors très difficiles, voire totalement interrompues. Durant cet intervalle, les conditions restent instables : il n’est pas rare d’observer de courtes ouvertures puissantes sur les bandes hautes, en particulier entre 10 et 15 m, mais elles demeurent imprévisibles.

À l’arrivée de la CME : la tempête géomagnétique

Lorsque la CME heurte la magnétosphère, l’ionosphère est profondément perturbée pendant plusieurs heures à plusieurs jours. Les variations rapides des champs géomagnétiques rendent la propagation erratique d’un moment à l’autre, notamment sur les longues distances.

Effets sur la propagation :

  • MUF instable, avec des ouvertures et fermetures brutales.
  • Propagation F2 imprévisible, fortement perturbée.
  • Propagation aurorale active en VHF/UHF (50–144 MHz).
  • Perturbations GNSS (Global Navigation Satellite System ou Système Global de Navigation par Satellite) pouvant affecter significativement les modes nécessitant une synchronisation précise.

Comportement des bandes radio dans ces conditions extrêmes :

160 m / 80 m

Bandes très affectées le jour par l’absorption. Utilisables la nuit, avec du DX possible mais un QSB souvent fort. Intéressantes durant les phases nocturnes prolongées.

40 m

Souvent en blackout diurne. Revient progressivement la nuit avec un bon potentiel intercontinental. L’une des bandes les plus fiables en situation de tempête.

20 m

Très sensible au SID (Sudden Ionospheric Disturbance, ou Perturbation Ionosphérique Soudain. Un black-out radio très rapide) dans les premières heures. Durant la tempête, ouverture instable mais parfois spectaculaire. DX possible sur des fenêtres courtes et imprévisibles.

15 m

Excellente alternative lorsque le 20 m devient erratique. Fortement dépendante de la MUF : très bonne ou totalement silencieuse.

10 m

Bande parfois avantagée lors des pics de perturbation si la MUF s’élève. Possibilité d’ouvertures DX intenses et brèves. Bande à surveiller en priorité : elle réserve souvent les plus grandes surprises.

6 m (50 MHz)

Activité sporadic‑E et auroral scatter amplifiées (mode de propagation réfléchis ou diffusés par les particules ionisées de l’aurore polaire). Potentiel de contacts exceptionnels selon l’intensité de la tempête.

VHF / UHF

Forte activité aurorale sur 50–144 MHz. Distorsion des signaux, décalages Doppler, bruit accru. Bonnes opportunités DX régionales via l’aurore, surtout vers le nord.

Après la tempête : un retour progressif

La récupération de l’ionosphère peut demander plusieurs jours. La MUF (Fréquence Maximale Utilisable) reste fluctuante, le QSB (variations involontaires et régulières de la force du signal reçu) demeure important et les chemins (paths) polaires peuvent rester dégradés si un PCA persiste (Polar Cap Absorption, en français : Absorption de la calotte polaire). Les bandes basses, en particulier 80 m et 40 m, se rétablissent généralement en premier, tandis que les bandes hautes nécessitent davantage de temps pour retrouver une propagation stable.

Stratégie radioamateur en cas de tempête extrême

  • Surveillez en temps réel les indices solaires tels que X‑ray, Kp et Bz.
  • Testez régulièrement les bandes hautes (10–15 m) pour repérer les ouvertures brèves.
  • Favorisez les bandes basses durant la nuit (40/80/160 m).
  • Expérimentez la VHF lors des épisodes d’auroral scatter ou d’ES.
  • Protégez vos équipements des surtensions liées aux courants géo‑induits.
  • Utilisez des modes robustes comme le CW ou le FT8 en cas de fading sévère.

Conclusion

Un événement comparable à celui de Carrington bouleverserait profondément la propagation HF et VHF. Certaines bandes deviendraient temporairement, mais totalement, inutilisables, tandis que d’autres offriraient des ouvertures DX rares ou atypiques. Pour les radioamateurs, un tel épisode constitue autant un défi technique qu’une occasion d’observer l’ionosphère dans un régime fortement perturbé.

Astuces : DX en période de tempête solaire

Comment maximiser vos chances de réaliser un QSO dans ce contexte ?

  • Surveillez la MUF en permanence : une hausse soudaine peut ouvrir les bandes hautes, même au cœur de la tempête.
  • Testez régulièrement le 10 m : cette bande peut offrir des ouvertures intercontinentales très brèves mais très intenses.
  • Profitez des nuits pour les basses fréquences : 40 m, 80 m et 160 m restent les plus fiables lorsque l’ionosphère est instable.
  • Utilisez la VHF pour l’auroral scatter : sur 6 m et 2 m, une forte tempête peut créer des signaux caractéristiques, déformés et « dopplerisés ».
  • Gardez un œil sur les chemins polaires : lors d’un PCA, ils sont totalement fermés. Orientez plutôt vos antennes vers des chemins équatoriaux ou intermédiaires.
  • Privilégiez les modes robustes : le CW et le FT8 restent performants en cas de fading profond ou de QSB violent.
  • Loggez vos observations : notez l’heure, le mode, la bande et la direction. Ces données sont précieuses pour analyser le comportement ionosphérique.

A savoir : Une antenne directive reste un atout déterminant en période de perturbation extrême, grâce à sa sélectivité et à sa capacité à exploiter des ouvertures très courtes.

Ok, je pense que cette rapide synthèse décrit clairement ce qui se passerait lors d’un événement de type Carrington et comment vous pourriez en profiter pour vos activités sur les ondes. Espérons tout de même que nous n’ayons pas à subir un tel cataclysme électromagnétique !

73 à tous et bons DX.😎

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